Et pendant ce temps en Europe…

Premier papier suite au salon Expobiogas à Nantes.

L’ADEME, qui tente comme toujours de jouer son rôle de boussole pour orienter les incitations gouvernementales et les acteurs de la filière en France, vient de publier un intéressant benchmark sur l’état de la méthanisation dans 29 pays européens, avec un focus en Allemagne, en Italie, aux Pays Bas, au Royaume Uni et en Suède. Ca fourmille de graphs et de stats intéressantes, avec quelques conclusions qui tombent plus ou moins sous le sens mais toujours utiles à rappeler et à documenter : les politiques d’incitation par a coups, c’est pas bien ; les mesures fortes et simples, c’est mieux. Et pour être rentable mieux vaut être gros (seule la Suisse dépasse 20% d’installation de moins de 100 à 150kW, tous les autres sont largement en dessous) et avoir du substrat énergétique à faire rentrer (les pays qui ont connu un développement rapide l’ont fait avec une part offerte aux cultures énergétiques).

Ce que j’espère de mon côté c’est arriver un jour à établir ce benchmark dans les vraies terres promises du biogas, là où il y a encore tout à faire, du soleil (donc de la chaleur), des besoins en énergie, des substrats à digérer…

Au final, ce que j’en retiens c’est que :

* Il y a un vrai, un énorme écart entre l’Allemagne (plus de 9 000 installations) et les autres (le 2e plus gros, l’Italie, c’est moins de 1 250 installations, la France j’ose même pas dire, mais c’est autour de 250 en 2012). L’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Italie surtout, les Pays Bas, la République Tchèque, le Royaume Unie, la Suède et la Suisse font partie de pays « à filière développée ». Le reste de l’Europe, c’est moins de 100 unités existante. Mais que font les espagnols, les grecs ou les polonais ? Comme c’est près de la maison, je crois que j’écrirais quand même quelque chose un jour sur Chypre, qui ne compte que 15 installations, essentiellement agricoles, en 2013.

* Bien évidemment, traduit en énergie, l’Allemagne est à plus de 70TWh produit en 2012, contre moins de 10 pour les meilleurs suivants

* L’industrie est incroyablement concentrée en Allemagne et en Italie (et, paraît il, les italiens ne vendent même pas moins cher que les chinois, mon bon monsieur).

* L’avenir, par contre, est plus contrasté et intéressant. L’Allemagne atteint son maximum potentiel et épuise son modèle basé essentiellement sur le rendement, à partir de cultures, énergétiques, du mais surtout, sur de grosses installations revendant sur le réseau. Les nouveaux projets allemands sont moins nombreux (le potentiel de croissance à 2020, c’est 20TWh), plus « vertueux » (ils valorisent du « vrai » déchet, c’est à dire des effluents d’élevage et des bio déchets) et favorisent l’injection réseau du biogas..

* Le plus gros potentiel c’est… la France qui, d’après les scénario de Solagro et de l’ADEME, devrait atteindre un potentiel de plus de 55TWh en 2030, contre moins de 3TWh aujourd’hui. 2 autres pays à suivre, l’Italie et le Royaume Uni. Chypre, lui c’est 200GWh certes, mais tout est relatif, et il obtient un ratio de kWh produit par méthanisation/nombre d’habitant 6 fois meillleur que la France !

* Une leçon : même à son plein, ne rêvons pas, le biogas n’a pas vocation à assurer plus de quelques % d’un mix énergétique pour la production électrique. Sa véritable place, c’est le traitement de déchet et l’émission de gas.

* Une autre leçon, les tarifs de rachat tournent autour de 20 cents d’euro l’unité pour les meilleurs tarifs (23 cents en Allemagne, 21 en France, en plus de subvention à la construction). C’est énorme comparé au coût de production du solaire ou des énergies fossiles ou nucléaires en Europe, mais au Liban, l’unité coûte 19 cents de dollar (pas loin de 17 cents d’euros)… on se rapproche de la parité quand le courant est cher ! Et à Chypre ? On est à 0,14 cents le meilleur tarif de rachat.