Je dois dire que mon abord du biogas a démarré dans un univers semi voir complètement industriel. A partir du moment où on transforme plusieurs tonnes par jour de merde en énergie, qu’on soit dans une ferme, un lieu de production ou une municipalité, il faut bien le dire, on se doit de construire quelque chose qui est de l’ordre d’une usine !
Mon appréhension du « local biogas », rural et décentralisé, oscillait entre une naive admiration et un joyeux mépris pour des technologies bas de gamme, dans lesquels les enfants sont obligés de rentrer dans les cuves pour ramasser le digestat et dans lesquelles de pauvres femmes injectaient jour après jour la bouse de leur vache sous l’oeil goguenard de leur mari, attendant que lesdites femmes finissent de faire cuire au (bio)gas leur ration du soir !
L’élargissement de mes centres d’intérêt au compostage a apporté un premier coin dans cette vision, et m’a permis d’appréhender avec plus de respect et de sens de la complexité la transformation des déchets de cuisine en un amendement de qualité pour les plantes, tout simplement en installant un composteur sur mon balcon !
Et enfin aujourd’hui, après quelques jours en Afrique du Sud et un projet en cours dans des camps de réfugiés au Liban, me mets-je à me passionner aussi pour ces « do it yourself » ou « do it as you can! » technologies.
J’en tire quelques idées et premières conclusions :
- le plus difficile, dans le déchet organique comme dans n’importe quelle autre technologie décentralisée, c’est que les gens utilisent bien l’outil qu’on leur donne. On a beau faire des trucs « idiot proof », soit disant simples et pour lesquels il n’y a rien à faire, vraiment, après 7 ans d’observation, je peux le dire, ça n’est jamais vrai ! sur le compost, je rêve d’un modèle open source et basé sur le service. Toujours cette fameuse uberisation du déchet organique dont je finirai bien par trouver la clé !
- de ce point de vue, finalement, le gros intérêt des modèles « do it yourself », c’est qu’ils sont fabriqués par des vrais passionnés, qui pendant la construction de leur digesteur, de leur composteur, apprennent comment ils fonctionnent et s’en servent en général bien
- de ce point de vue aussi, j’ai des doutes, et pourtant j’adorerai ne pas en avoir, sur des modèles du type Home Biogas, surtout quand ils lancent des campagnes de crowdfunding pour diffuser leur « home biogas » dans le monde entier, sans service support prévu derrière. Mais j’espère me tromper !
- et même dans le compost, qui consiste finalement à laisser moisir des déchets dans une caisse en bois avant de les mettre dans ses plantes (!), vous n’imaginez pas les quelques règles et trucs de bases à respecter au quotidien, que ce soit dans le dosage de la sciure, le retournement, l’apport progressif…
- Bref, j’en suis convaincu, l’avenir n’appartient plus aux constructeurs, mais aux fournisseurs de services et de process, à ceux qui maîtriseront les modèles économiques et sauront lever les craintes et les obstacles à l’utilisation.
- Car dans le déchet organique au moins, la décentralisation s’impose pour ne pas avoir à transporter des tonnes d’eau vers un point central avant de consommer de l’énergie pour la bruler !
Pour se donner un peu d’eau à la bouche, allez faire un tour sur le site de Agama, de Biogas SA, de Bio-Eco et consorts… C’est roots, c’est courageux, c’est malin !