Dans ce monde parfois aride et technique qu’est le traitement de l’eau et des déchets, il est bon parfois de prendre un peu de recul et de se plonger dans la lecture de chercheurs qui replacent ces techniques dans un cadre géopolitique et social plus large.
C’est le cas de Pierre Blanc, enseignant chercheur au Centre International des Hautes Etudes Agronomiques Mediterranéennes (CIHEAM), un centre que j’avoue ne pas connaître de l’intérieur mais dont je trouve la présentation absolument emballante !
Ce Pierre Blanc a eu le bon goût de faire paraître une somme sur le Proche Orient, sous titrée « Le Pouvoir, la Terre et l’Eau », distribuée à Beyrouth.
Quelques « lessons learned » de ce passionnant ouvrage !
« La moitié des habitants de la planète vivent dans des zones où l’agriculture demeure l’activité principale ». Et l’agriculture, c’est un sujet géopolitique. Un exemple ? la révolution islamiste en Iran. Je cite : « L’allié américain avait encouragé le développement et la modernisation des campagnes afin de faire reculer le risque de subversion politique et, partant, de permettre à l’Iran de s’ancrer dans le camp occidental. Cette réforme avait également été voulue par le Shah, désireux de se défaire de l’emprise des religieux et de certains féodaux qui, profitant de leur pouvoir foncier, pouvaient menacer sont leadership. Mais si certains paysans furent servis par cette réforme et constituèrent les soutiens du Shah, nombre de « paysans dépaysannés » (les salariés des anciens domaines ou ceux qui se sont vite ruinés) se trouvèrent dans l’obligation de migrer vers les villes, où ils vinrent grossir les rangs des troupes révolutionnaires encadrées notamment par un clergé en partie dépossédé par la réforme. ». Je ne parle pas ici de l’Amérique du Sud, de l’Inde, des guerres de l’eau, des questions alimentaires, des émeutes de la faim, de la privatisation des terres agricoles par des puissances étrangères, de l’accroissement de la population mondiale, des cultures illicites qui viennent financer des milices ou des groupes politiques (tout le monde connaît là dessus la vieille tradition libanaise).
Un enjeu géopolitique, donc, d’autant plus qu’il joue avec deux ressources majeures, l’eau et la terre, qui « sont l’enjeu de rivalités parfois violentes ».
Tout ça est décliné par Pierre Blanc sur le territoire du Proche Orient, un territoire marqué par l’aridité (82% des territoires du monde arabe sont des déserts, et les 18% restant font l’objet d’une urbanisation croissante), les rivalités inter et intra étatiques sur la valorisation des sols arables, l’irrigation, et par une coopération renforcée avec l’union européenne dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée.
Au travers des réformes agraires, on observe la Syrie baathiste jouer des rivalités d’influence ; le faible Etat libanais incapable de réformer et favorisant les relations entre propriétaires et fermiers…
La première difficulté au Proche Orient, c’est la rareté des terres, liée aux reliefs. Le long des côtes, bien arrosées par les précipitations, les plans sont étroits. Les grandes plaines de l’intérieur, elles, sont plus arides.