Permacool

Je sors d’un Cours de Conception en Permaculture (CCP) de 12 jours qui m’a durablement développé.

Je rends un grand hommage à Gildas, Claire et Damien, les animateurs de ce stage, et aux 30 gais lurons qui ont accompagné cette expérience hors du commun au bord du Cher.

Il va de soi que tout ce que je vais décrire à partir de maintenant n’engage que moi et n’est qu’une vision partielle et déformée d’une réalité beaucoup plus complexe !

Ma première grande découverte, c’est un allant de soi très largement partagé par les permaculteurs mais que je n’avais pas appréhendé jusque là. Ce qui fonde la démarche permaculturelle c’est la conviction profonde que le changement climatique en cours annonce d’énormes crises. Que l’on est en train de passer un pic et qu’une redescente va s’imposer. En fonction de nos anticipations, cette redescente sera brutale et violente ou douce et contrôlée. Une conséquence directe bien évidemment en est un focus très fort sur le carbone émis. C’est un point difficile à intégrer pour moi, qui reste d’un naturel optimiste et ait du mal à fonder mon action sur une catastrophe potentielle à venir, mais l’approche est sans nul doute intéressante. D’abord car elle repose sur des arguments scientifiques solides. Irma est passée dans les Caraibes au milieu du stage, c’était une piqure de rappel bienvenue. Ensuite car elle n’est pas directement « catastrophiste » ou « survivaliste ». La résilience recherchée est une résilience sur le long terme, à 100 ans, la catastrophe annoncée ressemble moins à Armageddon qu’à une succession de phénomènes climatiques intenses, à un changement de comportements rendus obligatoires par un pétrole de plus en plus cher… et, argument définitif, elle passe par une recherche de plaisir dans l’action. Pour reprendre une idée développée pendant le stage, si la catastrophe attendue arrive, on aura eu raison de se préparer et si par chance l’humanité trouve des moyens efficaces et intelligents de la repousser, de s’y adapter ou de la contourner, on aura pris du plaisir à vivre mieux, plus proche et plus respectueux de la nature.

Ma deuxième découverte, c’est que la réponse à cette vision passe par un principe d’action et du plaisir. Ca rejoint plusieurs thèmes qui me sont chers. Passer du « bullshit » au « full shit » (autrement dit mettre les mains dans le cambouis, dans la terre…) ; faire partie de la solution plutôt que du problème ; et privilégier le principe de plaisir. Autrement dit, il ne s’agit pas de tout bouleverser du jour au lendemain, mais de rechercher d’abord ce qui peut être changé facilement, puis d’optimiser ce qui peut l’être (un moteur mal réglé, un changement d’énergie, une réflexion sur ses moyens de transport, quelques mètres carrés de potager…) et de systématiquement vérifier que nos actions nous font du bien, qu’elles font du bien à ce qui nous entoure et qu’elles sont résilientes. C’est en soi que l’on prend conscience de notre impact et de nos projets. Et c’est par l’exemple, par la pratique, que l’on diffuse, plus que par le tractage ou les hauts parleurs. La plupart des participants à ce stage avaient en projet ou en réalité l’aménagement d’un terrain, d’un lieu. Et la plupart ne croyaient plus aux méthodes d’actions politiques traditionnelles. Il est amusant de penser que le père fondateur de la permaculture, Bill Mollison, était un universitaire, mais d’une manière générale, les enseignants, praticiens, acteurs du mouvement ont tous leur jardin, ont tous ancré leur discours dans une pratique quotidienne et un lieu qu’ils aiment à montrer et à travailler.

Ces deux visions s’ancrent dans une inversion de priorités entre l’économique et le vivant, pour reprendre le titre d’un très bon bouquin de René Passet. Il est bien entendu qu’on a tous l’envie d’être à la fois rentable, d’avoir un impact positif sur l’environnement et sur les hommes. Mais les choses changent parfois un petit peu quand on fait passer la priorité de son impact environnemental avant sa rentabilité économique. Je suis convaincu que cela n’empêche pas le recours aux plus beaux outils et aux belles énergies entrepreneuriales, mais il est intéressant de réfléchir à leur « cadrage » et à l’évolution d’une logique d’optimisation des ressources vers une logique de résilience.

C’est sur ce socle que sont ensuite déclinés une dizaine de grands principes, assez larges pour pouvoir être interprétés par chacun et donner une assez large liberté d’action. Comme tout principes, ils semblent évidents mais ils prennent leur sens quand ils sont appliqués « sérieusement » et en cohérence les uns avec les autres. L’observation avant l’action, la recherche de l’abondance dans la production, d’une absence de déchet, de petits pilotes avant le déploiement, de l’intégration… sont plein de bons sens et se rapprochent des approches entrepeneuriales les plus efficaces.

Et, enfin, c’est la traduction de ces principes qui est en général diffusée dans les films, bouquins, discours qui fleurissent en ce moment. De fait, la permaculture n’a pas inventé grand chose, mais elle reprend des pratiques ancestrales, des idées de bon sens pour les articuler et les systématiser dans un système de pensée reposant sur la résilience et sur l’action. Ainsi, la permaculture n’a pas inventé les buttes de jardinage, et ne le recommande d’ailleurs pas systématiquement, mais elle les utilisent quand elle permet d’améliorer les sols et la production. Elle n’a pas non plus découvert les arbres mais les aime et les place au centre de beaucoup de design. Idem pour les douches solaires, les toilettes sèches ou le compostage.

On pourrait aussi dire ça différemment, et concevoir la permaculture comme une méthode de design, une série d’outils et de positions qui permettent la conception de lieux résilients et productifs. La production alimentaire est au coeur de ce design, mais elle s’entoure nécessairement d’autres approches (éco construction, relations humaines…) et entraîne de manière très logique une réflexion sur les sols, sur l’eau, sur l’énergie (produire des aliments c’est après tout produire de l’énergie)… dont je reparlerai surement dans les semaines à venir.