Un papier du Monde de ce jour (Pourquoi il faut donner de l’argent aux pauvres sans contrepartie), me ramène à ce qui reste, au fond, mon métier, mon positionnement historique, celui de l’accompagnement d’entrepreneurs.
Pour ceux qui n’auraient pas le temps de se taper les multiples volumes d’Esther Duflo sur ce sujet (et ils auraient tort, c’est une lecture revigorante !), cette très efficace video de 3 minutes développe une thèse qui m’est chère : les pauvres savent mieux que les donneurs ce qui est bon pour eux. L’image du bénéficaire profitant de la « manne » d’une aide sociale pour s’acheter des cigarettes ou des mauvais sandwich c’est, en moyenne, une idée reçue ! Et les expériences en Afrique, en Inde ou ailleurs l’ont souvent démontré, ca coute moins cher et c’est plus efficace de mettre en place des transferts d’argent sans condition plutôt que de contrôler ou d’orienter l’usage des fonds distribués.
Il y a certainement des contre exemples et je ne voudrais surtout pas ici jeter le bébé avec l’eau du bain, ni jeter un oeil critique sur ma profession et mes actions ! Mais, éclairé que je suis maintenant par les méthodes permaculturelles, et pour prolonger à l’entrepreneuriat les théories de ce paier, ce que j’en conclue c’est ceci : jamais un « accompagnateur » ne saura mieux qu’un entrepreneur quoi faire, jamais il ne pourra lui transmettre de recettes magiques. J’ai souvent éprouvé de la gêne devant les « leçons » administrés par certains de mes pairs en face d’entrepreneurs au bout du rouleau. Par contre, le métier que l’on fait devient magique quand on se le représente comme un agriculteur qui préparerait aussi bien que possible son sol pour permettre aux légumes de pousser dessus. Il ne cultiverait plus des légumes, il cultiverait un sol, un « cadre », pour qu’ensuite chaque légume, chaque entrepreneur puisse s’épanouir dessus. De ce point de vue, les fonds distribués, au moins dans des phases très précoces, pourraient l’être simplement, sans contrepartie particulière, toujours décevante et sujette à discussion. Et je plaide de plus en plus pour des investisseurs, des accompagnateurs qui prennent leur risque avec les entrepreneurs, qui s’immergent et qui les suivent de manière bienveillante. On a jamais fait pousser une carotte en lui tirant dessus au bout du compte !