Vous ne comprenez pas ce titre. Rassurez vous, moi non plus, mais je trouve que c’est poétique et joli.
Un petit hommage à Walter et son équipe d’Open Lande (https://openlande.co), une fabrique de projets évolutionnaires très sympathiques et ambitieuse, qui est en train de construire un lieu et une communauté pas banale au large de Nantes. Leur comité de sélection hier favorisait avec talent l’histoire et l’intuition. Le conte et les résultats plutôt que le compte de résultat, le bit plutôt que l’EBIT.
Et un clin d’oeil aussi à un réseau qui m’intéresse beaucoup en ce moment, celui des Ruches qui dit Oui. Vous en avez probablement entendu parler, soit parce que « c’est le réseau dans lequel Xavier Niel a investi », soit parce que vous en êtes client (on dit abeille, c’est plus poétique là aussi que client), soit parce que vous lisez le remarquable magazine Oui… Pour ceux qui ne connaitraient pas, il s’agit d’un modèle de circuit court construit autour d’une plateforme qui simplifie la relation entre trois parties : des producteurs, un animateur de ruche et des abeilles, donc, qui consomment. C’est très simple, les abeilles commandent durant la semaine ce qu’il leur ferait plaisir de consommer ; les producteurs se présentent, mettent en avant leurs produits, leurs prix et leurs caractéristiques (bio, raisonné, inconscient, très bon…!) et l’animateur… anime une session hebdomadaire de distribution pendant laquelle les consommateurs viennent chercher leur panier et rencontrent les producteurs dans le garage de l’animateur (je simplifie). Ca a pas mal d’avantages pratiques (la possibilité de ne consommer que quand et ce que l’on souhaite, l’assurance d’avoir des produits « courts », une certaine qualité d’interface…) et ça a reçu beaucoup de critiques (c’est Xavier Niel qui touche, c’est moins supportive qu’une AMAP, c’est lourd à gérer, ça fait peu de volume…).
Je ne rentre pas dans la discussion sur les vertus et les limites du modèle du point de vue des boucles alimentaires. J’en ai déjà pas mal parlé et m’est avis que c’est pas fini !
Je voudrais surtout insister dans ce papier sur la réinvention du rapport au travail que proposent ces plateformes. A l’image de mon réseau « chouchou », le réseau France Initiative dont les plateformes locales prêtent de l’argent sans intérêt et sans garantie, la maison mère des ruches (on dit Ruche Mama) dotent des citoyens dans toute la France d’une fonction, d’un outil et d’une charte qu’ils peuvent mobiliser en l’adaptant à leur territoire et à leur projet.
J’explicite un peu : France Initiative, c’est en gros une charte qui dit qu’on prête de l’argent sans intérêt et sans garantie, qu’on réunit sur un territoire des consulaires, des experts, des entrepreneurs… et qu’on essaye de faire levier sur les banques. Quand on rentre dans le « moule », on est labellisé, on bénéficie de conventions cadres nationales négociées par le réseau, d’un CRM, d’une méthodo, d’un label.. C’est une franchise mais c’est pas non plus vraiment une franchise. Des chambres consulaires, des communautés de communes, des associations… mobilisent l’outil sans forcément ne faire que ça.
Pareil chez les ruches. Si on adhère, si on anime, on fait partie du réseau, on en a l’image, le soutien, des références de producteurs, des liens avec d’autres animateurs… et on peut mobiliser la fonction « ruche » pour son propre projet. Soit parce qu’on est mère de famille ou homme au foyer et qu’on dédie un peu de temps à ça, soit parce qu’on gère 3 ou 4 ruches et qu’on en fait son métier, soit parce qu’on a une épicerie coopérative et qu’on y ajoute la fonction « ruche »…
C’est assez malin cette manière souple et simple de travailler. Pas tout à fait un salariat (l’animateur touche un peu moins de 9% de commission sur les ventes, et dégage rarement plus de 300€ de revenu par mois par ruche), pas complètement du bénévolat non plus. Une plate forme qui crée l’opportunité pour le plus grand nombre de se lancer, de tester, de relever le défi du circuit court sur un territoire. Une espèce d’entrepreneuriat assisté, simplifié. Un modèle qui mérite qu’on s’y attarde.
Par ailleurs, dans le verbiage difficile à digérer du livre « La fabrique à écosystème » que je suis en train de lire, émerge un schéma intéressant, qui distingue les processus de décision classiques (j’évalue, je fais des diligences, je donne un go ou pas et ensuite j’exécute, j’évalue et je modifie) et les processus qui se concentrent, au démarrage, sur « créer les conditions d’un projet », qui laisse ensuite un joyeux bordel s’organiser, et alterne très rapidement entre action et réflexion. Le défi d’un réseau national, structuré, qui laisse du bordel local émerger, c’est aussi une dynamique intéressante à observer !
Bref, observons observons, sans oublier d’agir pour contribuer à notre modeste échelle à greliner le vaste monde.