Il y a deux mecs dont on parle tout le temps en ce moment, Gilles et John, qui semblent mettre un sacré bazar dans les rues parisiennes et les carrefours provinciaux.
J’ai préféré vendredi dernier rencontrer deux autres mecs, qui mettent un sacré bazar dans les allées propres de l’agriculture conventionnelle et les Carrefours nationaux. Xavier Mathias, donc, s’est installé dans le délicieux bourg de Chedigny (je recommande à tous les amoureux de venir passer une nuit là bas !), en Touraine, il y a une quinzaine d’années. A l’époque, les céréaliers du coin ne voyaient pas d’un très bon oeil une installation en bio dans le village. Aujourd’hui, autres temps, autres moeurs, les voisins de Xavier ont converti quelques centaines d’hectares en bio, la permaculture est à la mode et Xavier continue d’expérimenter, échanger, communiquer… sur ce qu’il fait.
Max (ime de Rostolan), lui, a fondé Fermes d’avenir avec l’idée de démontrer qu’une petite ferme permacole pouvait à la fois sauver le monde et nourrir l’agriculteur qui s’en occupait. Ca aurait été un chouette modèle pour les nombreux « néo ruraux » attirés par le mode de vie à la campagne, soucieux de faire leur révolution intérieure et d’impacter le monde (vous l’aurez compris, tout ce que je dis là est le fruit de ma propre interprétation, bien sur !!). Manque de bol, ca ne semble pas être possible. Pour survivre, ces fermes ne peuvent pas se contenter de la vente de leurs légumes. Quelques expériences « limites », comme celle de Jean Martin Fortier que j’ai relaté ici, au Canada, y arrivent mais dans leur très immense majorité, il faut à ces fermiers du futur combiner des formations, des visites de fermes… pour boucler les fins de mois.
La très bonne vision de Maxime c’est qu’au lieu de pipoter un pseudo discours bullshit marketant un modèle impossible, il assume que la problématique centrale c’est que personne ne paie les services écosystémiques rendus par ces fermes, de la même manière que personne ne paie aujourd’hui les dégâts causés par certaines pratiques agricoles néfastes sur l’environnement. En économie, on appelle ça l’internalisation des externalités, négatives ou positives. Il crée en ce moment même, et je vous encourage à le suivre, un mouvement citoyen pour peser là dessus.
Et c’est là que mon post se boucle magiquement. J’évacue la question sociologique profonde des sources du mécontement de Gilles et de John, sur lesquelles je n’ai aucune expertise. Ce qui me « touche » dans ce mouvement, c’est que c’est l’un des premiers qui, au moins en facade, s’appuie sur une problématique environnementale. La grosse inquiétude, c’est que l’augmentation des taxes sur le gasoil c’est vraiment de la gnognotte. En premier lieu parce que très factuellement, le prix de l’essence a en fait baissé, en euros constants, depuis 30 ans. On achète aujourd’hui avec un SMIC 6 litres d’essence, contre 3 en 1973. Sans compter qu’avec un litre on parcourt aujourd’hui beaucoup plus qu’à l’époque. Bref, dans un monde où le pétrole est une ressource à la fois finie et à la base de notre économie, on a pas beaucoup de moyens de réduire le prix de l’essence plus que ça n’est le cas aujourd’hui.
Non, le truc inquiétant c’est qu’aujourd’hui on parle d’essence mais qu’il est très probable que demain on parle de bouffe. Que le jour où, à très juste titre, on paiera ce que vaut vraiment un kilo de tomates, on se demande comment Gilles et John réagiront.