Jeune pousse un jour, jeune pousse toujours

Un des trucs que j’aime dans le « geste » entrepreneurial, c’est cette opportunité que ça offre de rencontrer un tas de gens très différents, mais tous en général très bienveillants et très engagés, à leur manière et sur leur périmètre. 

Je me rends compte à nouveau de ça dans mon projet « du moment », la collecte des biodéchets des professionnels en Mayenne. Un projet ambitieux s’il en est, typiquement dépendant d’un time to market très difficile à estimer, dont tout le monde s’accorde à dire qu’il répond à un besoin à la fois environnemental et de marché mais assez complexe à traduire en chiffre d’affaires et en marge !

Ce projet a pu démarrer grâce à quelqu’un dont on s’attend à ce qu’il soit exceptionnel, un dirigeant d’entreprise d’insertion qui collecte déjà des déchets tertiaires diffus (carton, papier…), bien implantée sur Laval, qui combine son engagement social à un grand sens du développement entrepreneurial et de l’analyse des opportunités et des acteurs sur un territoire. Comme ce « patron » est quelqu’un de bien, il est évidemment entouré de plein de gens formidables dans son conseil d’administration. L’un d’entre eux s’est pris au jeu des biodéchets, a une longue vie dans l’administration territoriale et donne sans compter de son temps, de ses visions et de ses contacts pour faire avancer une étude de faisabilité.

Jusque là, rien de plus normal après tout. On est en plein dans une démarche d’effectuation comme je les aime. On part d’une idée, d’une vision, on rencontre, on batit au fur et à mesure des retours… On voit plus ou moins ce qu’on est prêt à perdre les uns et les autres et on prie très fort pour qu’un projet naisse !

Ce qui ne m’étonne pas non plus beaucoup, c’est le niveau de soutien très élevé et très efficace dont bénéfice des projets en création en France. Il faut que les entrepreneurs français s’en rende compte. C’est le paradis ici. On ne compte pas les incubateurs, fonds, aides, investisseurs… prêt à faire confiance et à croire en un projet contre toute raison ! Alors oui certes ça génère son lot de chasseurs de primes ou même, sans aller aussi loin, de risques de s’endormir sur les aides publiques avant d’aller chasser le client, le seul qui puisse garantir une pérenité de l’entreprise. Mais après tout, avant d’aller chercher sa survie au grand air, la petite graine dans le sol n’a-t-elle pas le droit à une considération et une précaution particulière ?!

Ce qui m’étonne par contre toujours beaucoup, dans ce projet comme dans d’autres, c’est la capacité de clients potentiels (les émetteurs de biodéchets en l’occurrence) prêt à écouter, à considérer des propositions, à co construire des solutions ; c’est aussi le sens entrepreneurial dont font preuve des élus, des fonctionnaires territoriaux. Etant marié à une proviseure et évoluant dans un milieu de profs, je suis bien placé pour savoir que nombre d’entre eux ont une dynamique de projet, une capacité à se projeter, qui n’a rien à envier aux biz dev ou pitcheurs de tout poil. Mais je me dois de témoigner que oui, les fonctionnaires et élus territoriaux ont à cœur la défense de l’intérêt collectif dans le respect de l’innovation privée. Et que oui, jusque dans les couloirs austères de la DDCSPP on trouve des fonctionnaires passionnés par leur sujet et qui trouvent le temps de supporter des projets balbutiants.

Ces voyages entrepreneuriaux sont toujours plein de surprises et de découvertes. Qu’ils relèvent de l’économie sociale ou pas, ils passent nécessairement par des alliances avec des pouvoirs publics, des collectivités territoriales, des professionnels, des consultants, des financiers, des associations, des citoyens… c’est ce qui en fait pour moi la beauté et la complexité et j’ai quand même envie de dire qu’en France on est pas mal loti pour le parcourir.  

J’ai la chance d’être régulièrement des deux côtés de la barrière. Comme investisseur/membre actif d’un fonds de prêt d’honneur en ce moment ; comme entrepreneur principalement dans le biodéchet, de manière plus limitée dans des projets « food ». 

La spécificité de l’entrepreneur c’est de devoir assumer, dans à peu près tous les domaines, des positions à peu près schyzophrénique ! En l’occurrence, il doit à la fois accepter, rechercher même les « bonnes raisons » qui anime un ensemble très large de partenaires aux objectifs, aux positionnement variés. Et dans le même temps être convaincu de la capacité de son projet à changer le monde, de structurer par sa passion et sa force de conviction des micro adhésions des uns et des autres.