La Finance a t-elle un sexe (ou une religion ?)

A la question du sexe, répondons directement « Non » pour simplifier et ne pas nous embarquer dans des débats inutiles. La fameuse « fearless girl » faisant face au buffle de Wall Street le symbolise assez, c’est des femmes que vient le changement et le courage d’affronter les vents contraires et les dogmes dominants. Pas de bol pour moi, mais après tout n’avons nous pas tous une part féminine en nous.

Non, ce dont je voulais causer aujourd’hui c’est de finance islamique. L’ami Bruno avait introduit il y a déjà plusieurs mois cette petite graine dans mon cerveau et le nouvel ami Christian l’a si je puis dire arrosé au cours de ma mission algérienne.

La question se pose, en effet. Qu’a réellement inventé le prêt d’honneur de différent des pratiques et des théories développées depuis longtemps par les chantres de la finance islamique. Le petit « Repère » trouvé par hasard dans les rayons de la librairie de la place Kennedy m’a apporté une première surprise. Le premier prêt d’honneur ? Pas du tout le fait d’une plate forme initiative ou d’Entreprendre, mais de… Mahomet himself, pour financer ses voyages.

Une anecdote, mais au fond les ressorts de la finance islamique demeurent depuis. J’en retiens quelques points éclairants :

  • le principe le plus souvent mis en avant c’est l’interdiction de prêter à intérêt. C’est tout de même un peu plus compliqué que ça. L’important surtout c’est qu’il existe une « matérialité » au prêt, qu’il repose sur un actif concret et que son rendement puisse être mesuré et chiffré avec certitude. Faut bien que les banques (même islamiques) vivent et du coup l’intérêt est remplacé par un montage assez sioux : la banque achète un produit, dont elle devient propriétaire et le revend avec une marge à son client. Il y a plusieurs déclinaisons du principe mais l’idée est là. Et du coup, ça éloigne un peu le montage de la logique d’un prêt d’honneur type « Initiative ». Ca n’aide pas non plus à la prise de risque sur des projets « jeunes » ou au financement d’un besoin en fonds de roulement.
  • La finance islamique dispose d’un outil d’investissement avec participation, dans lequel le financier assume la perte et partage le profit, en délégant un projet à un entrepreneur. Je ne développe pas car j’avoue ne pas bien piger en quoi cela diffère d’une position d’investisseur « standard ».
  • Le truc amusant est que le seul outil clairement aligné sur le prêt d’honneur est le « prêt de bienfaisance » qui interdit toute rémunération. Une illustration de la complexité de la perception de ces outils, qui ont de la peine à sortir de leur image « bienfaisante » pour aller sur le terrain de l’impact économique, entrepreneurial et, surtout, de construction d’une dynamique territoriale autour de l’entrepreneur.

Au final, c’est moins la liste des outils de la finance islamique qui retient mon attention que la conséquence que ces montages ont sur la perception de l’épargne déposée sur un compte. Je trouve ça beaucoup plus « engageant », « éclairant » que nos dépots à terme, nos livrets… surtout à une époque de taux quasi nuls. De fait, dans cette approche de la finance, les ressources bancaires sont considérées soit comme des dons (la zaqat obligatoire, qui peut être prélevée « à la source » par les banques), comme des prêts de bienfaisance (que la banque utilisera pour prêter sans intérêt) ou comme des « investissements » que l’épargnant fait en délégant à la banque l’action de soutenir des entrepreneurs par l’intermédiaire d’outils sans intérêt (mais avec marge !).

Il faudrait creuser tout ça, et les échanges entre réseaux de prêt d’honneur en Afrique et finance islamique ont toutes les chances d’être fructueux et d’éclairer les singularités de ces formes d’interventions qui pour l’une comme pour l’autre dépasse de très loin le caractère technique du prêt à taux zéro.