Je poursuis mon voyage en terre de prêt d’honneur en Afrique et remercie Martin, guerrier de l’appui aux PME et au développement économique, pour le très bon jeu de mot du titre de ce post.
Après un point dans le post précédent sur les modèles économiques respectifs de la microfinance et du prêt d’honneur, un début d’exploration maintenant sur l’approche du risque et de sa couverture.
Un petit mot en préambule. De la même manière que le rugby est qualifié par certains de sport de brute joué par des gentlemen il serait tentant de dire que le prêt d’honneur est un outil de « financiers » pratiqué par des « développeurs économiques » ou des « animateurs territoriaux ». C’est important de bien avoir en tête cette « précaution » et de lire ma comparaison entre les modèles « microfinance » et « prêt d’honneur » plutôt comme l’occasion d’éclairer l’un par l’autre, de chercher les complémentarités que comme une évaluation de l’outil le plus efficace ou ayant le plus grand impact.
L’analyse du risque, donc. D’une certaine manière, le coeur du métier pour n’importe quelle structure investissant du temps et/ou de l’argent à accompagner des entrepreneurs qui, par définition, ont vocation à dépenser avant de gagner, à introduire quelque chose de nouveau sur leur territoire.
Cette analyse est systématiquement rapprochée d’un espoir de retour. A minima, tous les intervenants d’accompagnement ou de financement recherchent une capacité de l’entrepreneur à appréhender et maîtriser son risque en fonction de ses ressources (à cette occasion, je vous invite à relire les intéressants développements de la théorie de l’effectuation) qui génère un retour pour le développement économique d’un territoire et la création d’emplois pérennes. A cela s’ajoute la recherche d’un remboursement du capital pour faire durer un fonds de prêt pour le prêt d’honneur. Au dessus encore, le paiement d’intérêts pour rémunérer le risque pris et les frais de gestion d’une banque ou d’une IMF. Et pour les projets les plus risqués le retour sur investissement par la revente ou la distribution de dividendes.
La première compétence des salariés et des bénévoles qui animent les fonds de microfinance comme de prêt d’honneur, c’est cette capacité à analyser les risques, à les rapprocher du couple risque/retour acceptable par leur structure et à aider des comités à prendre des décisions. La compétence complémentaire est celle d’accompagner l’entrepreneur dans la compréhension, la formulation, la projection de son risque d’une part ; et l’orientation vers la structure la plus à même d’assumer le risque/rendement lié au projet.
C’est pour moi toute la beauté de ce secteur. La capacité à rendre réel des projets qui n’existent à un moment que dans la tête des gens, en « donnant crédit à », en jouant sur « l’honneur de », bref en faisant confiance.
La deuxième dimension du risque c’est sa couverture. Même pour les meilleurs experts du monde, l’analyse reste hautement hypothétique et il importe pour toute structure de se couvrir du risque pris. Plusieurs options sont possibles :
- la première qui vient en tête c’est la garantie. La difficulté à la mobiliser pour des entrepreneurs qui détiennent peu d’actifs personnels explique en partie le faible intérêt que les banques leur porte.
- Les IMF contournent ce sujet en s’appuyant, pour les crédits individuels, sur des garanties personnelles « souples », des titres de propriété informelle par exemple ; sur l’épargne parfois obligatoire collectée avant un accord de prêt ou sur la garantie par un tiers.
- Dans les modèles de crédit solidaire, la garantie est apporté par un groupe d’emprunteurs, solidaires les uns des autres. On l’a vu également, c’est une manière de réduire le coût d’analyse du risque. Pour que cela soit réaliste et que les défauts soient assumables par le groupe, le montant des prêts ne peut pas être trop important.
- Dans les fonds de prêt d’honneur, la règle est l’absence de garantie de ce type, en dehors de quelques pratiques de garanties mais uniquement « morales », apportées par des tiers.
- Une dernière forme de « contrôle du risque » relève d’incitations. Négatives d’une part (publicité en cas de non remboursement par exemple, suivi rapide des non remboursements) et positives (accès à des crédits de plus en plus important, envie de faire partie d’un « groupe », que les remboursements permettent de prêter à d’autres entrepreneurs…)
Un dernier mot sur l’offre.
Les IMF ont une histoire longue,. Le modèle « historique » du crédit solidaire s’est élargi au crédit individuel et à l’investissement productif. Au delà du crédit lui même, les iMF assurent un large spectre de services bancaires. Le « marché » atteignable est énorme et les offres se diversifient. Vers le financement de solutions d’éclairage, de biens de consommation ; vers le monde agricole ; vers l’investissement productif…
Les fonds de prêt d’honneur ont une offre beaucoup plus ressérée, construite autour d’un outil de financement sans intérêt et sans garantie et d’un accompagnement en amont et en aval du prêt d’honneur. La diversification de leur offre repose sur leur capacité à parfaitement connaître l’offre de financement qui les entoure et à maîtriser l’ingénierie financière des projets qu’ils accompagnent. Le développement de leurs structures, locales par définition, repose sur leur capacité à générer de la confiance et de l’envie chez l’ensemble des professionnels de la création d’entreprise sur leur territoire.