We are not (anymore) in the shit

Depuis le déconfinement, ça devient difficile de passer un diner en famille sans évoquer la manière dont on peut, à l’échelle individuelle, participer à la lutte pour la transition écologique.

Un thème passionnant, et inspirant. L’incontournable Jancovici précise que la moitié de l’impact des comportements individuels proviendrait d’un changement de régime alimentaire. Dans une moindre mesure, un gros tiers proviendrait d’un plus grand usage du vélo, du covoiturage et de l’arrêt de l’avion. Tout le reste (les LED, le zéro déchet, les vêtements d’occasion…) c’est un peu plus d’un quart de la réduction potentielle !

Interesting, mais attention à l’hyper responsabilisation des gestes indivduels. Carbone 4 estime par exemple que sur les grosso modo 11 tonnes de CO2 que nous émettons tous chaque année en France, une ascèse volontaire permettrait au mieux d’en supprimer 3. Au niveau collectif, si chacun s’acharnait à tout faire pour réduire son impact, on aboutirait à 10% de baisse de l’empreinte carbone.

Guillaume Bazot développait un argumentaire percutant dans les Echos du 4 juin également : « 

Les enjeux écologiques n’ayant pas de frontières, pour être efficace, la décroissance doit être mondiale. Néanmoins, les pays en développement ne semblent pas vouloir sacrifier leur croissance sur l’autel du réchauffement climatique ou de la biodiversité. Comment les en blâmer lorsque l’on sait que le pouvoir d’achat du Français médian est aujourd’hui dix fois plus élevé que celui de son homologue indien ? En acceptant l’idée que les pays pauvres puissent continuer à croître, les pays riches doivent fortement décroître. Suivant cette logique, le seul compromis international possible serait l’égalisation du pouvoir d’achat moyen de tous les pays du globe. Partant de ce principe, faisons le calcul.

D’après les données de la Banque mondiale relatives au revenu national net par habitant en parité de pouvoir d’achat en 2018, une parfaite répartition des revenus entre pays correspond au pouvoir d’achat d’un Français gagnant 1.022 euros par mois avant impôt. Puisque les prévisions de croissance de la population mondiale sont d’environ 30 % d’ici à 2050, le revenu mondial doit décroître d’autant pour compenser cet effet. Ajoutons à cela une décroissance du revenu par habitant de 20 % – baisse insuffisante pour endiguer le réchauffement climatique mais misons sur quelques progrès technologiques – ceci nous amène à 572 euros mensuels avant impôt. Afin de ne pas voir les services publics péricliter, au moins 30 % de ces revenus doivent être alloués à la santé, l’éducation, la justice, la culture, etc. Ainsi, après impôt, le pouvoir d’achat mensuel moyen par personne tomberait à 400 euros. Autrement dit, en faisant l’hypothèse d’une parfaite égalisation des revenus, chaque personne de 20 ans et plus aurait en France un pouvoir d’achat équivalent à 527 euros mensuels aujourd’hui ; soit moins que le RSA socle. »

Si 1/4 de l’effort peut être porté par nos gestes individuels, le reste, donc les 3/4 relèvent du collectif ! et comme un petit schéma vaut mieux qu’un long discours…

https://reporterre.net/Climat-l-action-individuelle-ne-peut-pas-tout

Et c’est là que ça devient passionnant. Pour que la transition soit crédible, il va falloir qu’elle soit portée par l’Etat (central, décentralisé, déconcentré) et par les entreprises.

Pour l’Etat je ne vous fais pas un dessin. Les résultats d’hier aux municipales ont une valeur symbolique énorme. Ma lecture c’est : « on a vécu un truc dingue, inimaginable », « ca nous a obligé à nous arrêter, à ralentir, à faire gaffe les uns aux autres » et « c’était en fait pas si mal que ça », on doit pouvoir prendre en compte un avenir catastrophique et chercher les moyens de s’en sortir, de revoir nos fondamentaux. Ergo les verts, et pas RN. Une lecture certainement naive et optimiste, je le reconnais.

L’autre partie prenante, c’est l’entreprise. Et alors là bonne nouvelle qui s’accentue de jours en jours, les designers, les ingénieurs, les marketeux… qui se forment aujourd’hui sont « impact native ». C’est très naturellement qu’ils vont mettre leur talent au service de la recherche d’un équilibre entre modèle économique et impact. C’est une vraie révolution. Il ne s’agit plus de « verdir » des modèles, mais d’intégrer la décroissance dans les schémas de développement, dans la manière de gérer des boites. Et ça c’est vraiment passionnant. C’est un point que j’avais adoré travailler dans la fondation Diane au Liban : construire à la fois une demande (en sensibilisant sur les gestes individuels) et une offre (pour offrir des alternatives abordables et améliorant l’impact) et en conséquence agir comme un investisseur responsable.

On va tous, en tant que consommateur, investisseur, entrepreneur, consultant… avoir à chercher comment se réinventer. Et ça ça va être passionnant.

Pour commencer, on peut lire le nouveau bouquin de Flore Berlingen, la nouvelle directrice de Zero Waste France, pour éviter de tomber dans le piège de quelques « faux » gestes écolos !