Il y a deux types de films qui m’émeuvent, voir me mettent la larme à l’oeil. Ceux qui parlent des rapports entre un père et ses filles et ceux qui parlent de petite entreprise !
Contre toute attente, Tuche 4 est un très bon film sur ce second sujet. Comme ce n’est pas non plus un film à suspense je prends le risque de dévoiler ici quelques éléments de l’intrigue qui à mes yeux donnent toute sa valeur à cette démonstration de ce qu’est le « petit entrepreneuriat » ! Une sorte de relecture barthesienne des Tuche. Une exclusivité gaz de shit.
Certes, ce film fait preuve d’une bonne dose de caricature. La plus choquante a priori étant celle des classes populaires « chômeurs professionnels », vivant d’aides sociales alors que d’autres, vaillant travailleurs ont su traverser la rue pour trouver du boulot à la force du poignet. Outre que je reconnaisse une certaine tendresse pour ces modes de vie fondés sur l’oisiveté et la non intervention (la scène de la pêche sans ligne est culte !), il faut rendre à César ce qui appartient à César et se réjouir de ce qu’en France Pôle Emploi soit devenu le principal investisseur dans l’entrepreneuriat. Loin devant les fonds, associations et autres anges du business. Se réjouir aussi qu’il soit possible de disposer du confort de ne pas risquer de mourrir de faim pour avoir l’esprit libre de prendre du risque. Alors oui, les chasseurs de prime, les profiteurs du système existent, je les ai rencontré ! Mais il n’en reste pas moins que ces filets sociaux, ces logiques de sécurisation des parcours ne sont pas des réducteurs de l’appétence entrepreneuriale, au contraire.
Deuxième approche très intéressante et effectuatio-compatible, la création du cadeau de Noel vient de l’un des fils Tuche, un peu « benêt », a priori bon à rien. Mais qui « colle » au marché et trouve le bon différenciateur produit, pour la plus grande joie de papa et maman Tuche. La création de l’entreprise combine la mobilisation des actifs disponibles de Papa Tuche (ses potes) et la visée d’un grand rêve mobilisateur. En contrepoint, l’entreprise Megazone représente une autre modalité entrepreneuriale, descendante et engluée dans des délires hors sol créés par de méchants cadres formés à HEC et soutenus par des directeurs provinciaux en quête de promotion et reniant leur territoire et leur famille. C’est pour le coup bien sur très caricatural mais ça a au moins le mérite de présenter deux modes d’action entrepreneuriale. Je n’aime pas trop, dans ce film comme en général, cette division du monde entre les gentils et les méchants mais bon, je retiens surtout l’importance de ne pas briser les rêves et de faire confiance au talent de tous pour imaginer et mettre en oeuvre.
Le dernier point est plus obscur pour moi. Les Tuche offrent ce qu’ils produisent, ne salarient pas (ce qui leur évite d’ailleurs les foudres de l’inspection du travail) et leur modèle économique repose sur une logique de RSE financée par les surplus réalisés sur un projet solaire. Outre que ça n’est pas très crédible au vu des tarifs de rachat, j’aurais nettement préféré que le modèle de la Tuche Factory soit intrinsèquement équilibré, qu’un développement sur la gouvernance soit conduit et que la question du scale (ou pas !) soit abordée. Mais ça aurait peut être nuit à la magie du cinéma et de Noel que ce très joli film provoque !