Depuis une trentaine d’années que je bosse, j’ai très rarement eu de « boss », ou plutôt un mélange systématique de pote et de bosse, des gens avec qui je pars à l’aventure. J’ai longtemps eu le rôle du mec carré qui cadre et fait atterrir les idées folles de visionnaires de génie ! Et de temps en temps j’ai pris le rôle du mec visionnaire m’auto-cadrant.
Depuis 2 ans, je vis une aventure très particulière car j’ai non pas un, mais deux « bosses ». Qui ont eux même d’autres bosses, des N+ quelque chose comme on dit. Un truc de fou !
Cette étrange introduction est juste le prétexte pour parler de 3 sujets que j’avais du mal à relier les uns aux autres :
1 ) Initiative France (mon 1er boss) tenait son assemblée générale il y a 15 jours. Toujours un moment magique, avec des centaines de présidents, directeurs, unis dans un joyeux bazar professionnel et créatif au service du renouvellement permanent de ce réseau unique en son genre. Un point concernait l’impact et sa prise en compte dans les critères d’intervention des associations de prêt d’honneur sur les territoires. Le réseau Initiative soutient des entrepreneurs « de tous les jours », des commerçants, des artisans, pas forcément des djeunes développant des « startupaimpact ». Mais c’est justement auprès de ces entrepreneurs de tous les jours, que se construit patiemment l’impact territorial. Le conseil d’administration du réseau a pris une position que je trouve excellente. Pas d’imposition, pas de critères relevant du « green/social – washing » et souvent difficiles à évaluer, mais l’obligation de faire du thème de l’impact un sujet de débat, de réflexion, de progrès au sein de ses instances de décision. C’est à mon avis une clé une condition sine qua non. C’est au sein des gouvernances, aussi locales que possibles, des organisations, que se construit l’impact. C’est aussi en observant où la valeur/l’argent est redistribuée qu’on peut se faire une idée de l’impact. Le modèle Initiative dans lequel la valeur reste sur le territoire, où les flux financiers circulent à 0%, ça a du sens.
2) j’ai aussi un 2e boss, auprès de qui je suis mis à disposition, qui n’est rien moins que le groupe AFD. Ce qui veut donc dire que de manière très indirecte, Rémy Rioux est mon boss. C’est fou quand même. D’autant plus que ce même Rémy Rioux a sorti un opuscule passionnant, avec Achille Mbembe, visant à travailler « pour un monde en commun ». C’est extrêmement convaincant, revigorant, d’autant plus que ça reconnait les enjeux que développent 2 essais très perturbants et documentés sur l’aide au développement (la revanche des contextes et « je t’aide moi non plus » dont je reparlerai bientôt). Mais en s’appuyant sur ce constat dur pour proposer une vision renouvelée de « l’investissement solidaire » et de la « diplomatie du vivant ». Vaste et stimulant programme.
3) enfin, cela fait plusieurs mois que je m’interroge sur ce que je pense de ces jeunes diplômés qui « bifurquent » avant même de chercher un boss, les foufous. Je crois qu’au final j’ai du respect, peut être même de l’admiration pour ces stratégies de bifurcation. Il n’est pas impossible que les moins de 30 ans aient intégré des dimensions du rapport au monde, une manière de nommer et d’apprécier les choses, qui ne soit que très difficilement accessible aux plus de 40 ans ! Il me semble que nous, les « plus si jeunes », avons grandi avec le progrès technique, la croissance, et sommes spontanément à la recherche de compromis permanents, d’équilibres, qui risquent de devenir de plus en plus difficiles à réaliser au fur et à mesure que les contraintes se durcissent. Peut être que le message que ces étudiants passent c’est que plutôt que de chercher à atterrir, il vaudrait parfois mieux ne pas prendre l’avion ?