Bonne pomme

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais c’est fou comme les bonnes nouvelles s’accumulent en ce moment.

L’âge de la retraite, d’abord. Pour des cinquantenaires comme moi qui ont navigué entre indépendance, salariat, bénévolat, statuts exotiques dans différents pays, c’est l’assurance de pouvoir continuer à travailler aux évolutions du monde pendant encore au moins une vingtaine d’années.

Le climat ensuite. Bon, a va dans un mur, c’est vrai. Mais ce qui change vraiment c’est que ça y est, tout le monde s’y intéresse et contribue, à son échelle, à chercher de nouvelles manières de consommer, de produire, de vivre en société. Je trouve très intéressant d’observer comment la logique de sobriété est en train de remplacer/compléter celle de l’impact. Tout ca commence à sentir la sincérité et le pivot, sous la seule pression qui vaille, celle des consommateurs/électeurs/citoyens.

Du plus macro au plus micro, 3 réjouissantes nouvelles qui en témoignent :

  • Tout d’abord, une initiative qui me tient très à coeur, le soutien à une très belle ferme libanaise en permaculture qui a la très bonne idée de faire une campagne de crowdfunding pour distribuer les excédents de pomme à un orphelinat libanais. Une excellente manière de faire circuler l’argent, en toute confiance. A lire et à faire circuler sur https://www.helloasso.com/associations/zaatar-association/collectes/participez-a-la-distribution-de-pommes-bio-au-liban
  • Une démarche ambitieuse dont je ne suis que sociétaire, mais dont je trouve la gouvernance et la logique passionnante à suivre. Celle de « C’est qui le patron » qui s’étend à de nouveaux secteurs de l’économie, dont la banque. Difficile encore de voir ce qui va en sortir, mais à suivre sur ce lien. J’adore ce type de gouvernance qui rend le consommateur acteur, j’attends avec intérêt de voir comment cette dynamique va se prolonger dans une gouvernance qui intègre aussi entreprises, collectivités, pouvoirs publics…
  • Une démarche de l’ENS avec laquelle je n’ai aucun lien (en dehors du fait que mon ainée de fille est diplômée de PSL) mais qui démontre qu’au delà des intéressantes bifurcations de leurs élèves, les grandes écoles se prennent au jeu. Combiner « incubateur », « recherche » et « engagé » dans un même titre, ça fait plaisir ! A lire sur le site du Monde

La petite bande

C’est statistiquement assez improbable, mais au cas où des lecteurs de ce billet seraient aussi des spectateurs sur le point d’aller voir la dernière livraison du réalisateur Pierre Salvadori, je dois prévenir qu’il y a ci-dessous quelques spoilers.

Il se trouve que « la Petite Bande » passait hier au cinéma Atlas de Rabat et que dans la torpeur de la fin d’été marocaine nous avons pris un grand plaisir à découvrir les aventures de ce groupe d’écoliers mettant le feu à une usine, enlevant un patron pollueur (mais qui donne à des associations) et le torturant. On s’est réjouit, sur une bande originale enlevée, de l’accident de voiture mortel dudit patron causé par la digestion délicate de l’eau de la rivière polluée par son usine.

C’est très questionnable moralement, un peu dérangeant, mais le film est excellent, les paysages corses splendides et au fond, ce que j’en retiens c’est l’impression d’une inertie qui est en train de fortement évoluer.

Ce que le film met en scène, c’est une génération dont les motivations environnementales, pas forcément fondées sur de la science, sont « ancrées » et spontanées. Une génération qui agit, qui prend position et met en place des stratégies évoluées sans recours à la technique et à la science. Qui déteste, à mort (au sens littéral) l’atteinte à l’environnement mais aussi, surtout, la fausseté des comportements « hypocrites », les discours polis du chef d’entreprise sur l’attention à ne pas polluer et le don à des associations au moment même où il ne prend pas soin de la rivière. La tonalité du film laisse à penser que c’est normal, que les enfants font ce qu’il faut, que le patron n’a que ce qu’il mérite.

C’est évidemment outrancier, caricatural, c’est une comédie, il y a beaucoup d’autres messages derrière. Mais ce que j’en retiens pour moi c’est que l’inertie change. On ne pourra plus, face aux consommateurs, aux entrepreneurs, aux salariés, aux décideurs de demain qui sont les enfants d’aujourd’hui, recourir au discours rassurant de la réconciliation entre écologie et économie, de la croissance et de la durabilité. Qu’on le veuille ou pas, ils n’en voudront pas. Et ils auront pour eux des manifestations climatiques, physiques, de moins en moins discutables. C’est ce qui rend ce « mur », ce contexte, très nouveau.

C’est un peu flippant pour un vieux comme moi. Mais c’est aussi très excitant d’imaginer les nouveaux modèles économiques, les nouvelles postures, les nouvelles manières de gérer les compromis, les nouveaux enjeux de mode de vie, de rapport au travail…

Il y a un moment que j’attends depuis plusieurs années et qui est en train d’arriver. Celui où les « raisonnables », à la recherche de la modération et de l’équilibre (bref les mecs comme moi !), intègrent véritablement l’enjeu de la sobriété dans leurs plans, parlent avec les soi-disant « amish » et s’appuient sur les ptits djeunes qui déboulent sur le marché du travail pour trouver les solutions nouvelles au monde qui s’annonce. Il y a encore du boulot, mais l’enjeu commence au moins à être présenté, quantifié (je rendrais compte dès que je l’aurai fini du passionnant rapport sur les inégalités mondiales de Lucas Chancel et de sa bande de Picketty boys and girls) et donc affrontable

C’est qui le bosse ?

Depuis une trentaine d’années que je bosse, j’ai très rarement eu de « boss », ou plutôt un mélange systématique de pote et de bosse, des gens avec qui je pars à l’aventure. J’ai longtemps eu le rôle du mec carré qui cadre et fait atterrir les idées folles de visionnaires de génie ! Et de temps en temps j’ai pris le rôle du mec visionnaire m’auto-cadrant.

Depuis 2 ans, je vis une aventure très particulière car j’ai non pas un, mais deux « bosses ». Qui ont eux même d’autres bosses, des N+ quelque chose comme on dit. Un truc de fou !

Cette étrange introduction est juste le prétexte pour parler de 3 sujets que j’avais du mal à relier les uns aux autres :

1 ) Initiative France (mon 1er boss) tenait son assemblée générale il y a 15 jours. Toujours un moment magique, avec des centaines de présidents, directeurs, unis dans un joyeux bazar professionnel et créatif au service du renouvellement permanent de ce réseau unique en son genre. Un point concernait l’impact et sa prise en compte dans les critères d’intervention des associations de prêt d’honneur sur les territoires. Le réseau Initiative soutient des entrepreneurs « de tous les jours », des commerçants, des artisans, pas forcément des djeunes développant des « startupaimpact ». Mais c’est justement auprès de ces entrepreneurs de tous les jours, que se construit patiemment l’impact territorial. Le conseil d’administration du réseau a pris une position que je trouve excellente. Pas d’imposition, pas de critères relevant du « green/social – washing » et souvent difficiles à évaluer, mais l’obligation de faire du thème de l’impact un sujet de débat, de réflexion, de progrès au sein de ses instances de décision. C’est à mon avis une clé une condition sine qua non. C’est au sein des gouvernances, aussi locales que possibles, des organisations, que se construit l’impact. C’est aussi en observant où la valeur/l’argent est redistribuée qu’on peut se faire une idée de l’impact. Le modèle Initiative dans lequel la valeur reste sur le territoire, où les flux financiers circulent à 0%, ça a du sens.

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Atterrir, je commence !

Je vais démarrer je crois une série de post autour de l’atterrissage. C’est le titre de l’ouvrage fondateur de Bruno Latour, que je n’ai pas encore lu mais dont « j’intuite » qu’il propose des approches très compatibles avec les principes méthodologiques que tout bon consultant se devrait de posséder.

L’idée très générale c’est qu’on manque de mots, de concepts, pour nommer la période dans laquelle on rentre et qui bouleverse notre rapport au monde, nos manières de penser. Pour éviter que les contextes ne prennent leur revanche trop brutalement, il importe de savoir, de décrire, de nommer qui on est (j’en parlerai en m’appuyant sur les essais de Philippe Marchesin d’un côté, de Rémy Rioux et Achille Mbembé de l’autre) et de s’immerger là où on est. Pour tenter de faire décoller des pratiques avant que de faire atterrir des idées.

Mais je commence par un bête copier coller d’un papier du très décapant Gaspard Koenig, dont je ne partage pas toujours toutes les idées, mais que je me plais à lire régulièrement dans les Echos.

Il posait ce matin de manière limpide et beaucoup mieux que je pouvais l’écrire ce qu’il appelle la « tartufferie » de l’idée qui consisterait à penser que l’on peut à la fois garantir la croissance et l’impact.

J’y crois depuis longtemps et ce qui était à l’époque une pensée « critique », voire « radicale » est en train de se transformer en une quasi tarte à la crème ! Je rajouterai qu’il est quand même malheureux que dans le monde dans lequel on entre on s’acharne encore à défendre des modèles économiques qui combinerait rentabilité, croissance et impact. Alors qu’il y a tellement de modèles nouveaux à inventer fondés sur la réduction de la rentabilité, le « sacrifice » d’un retour financier compensé par quelque chose qu’il est justement compliqué de nommer (le bien être, la lenteur, le temps… !). C’est dans le partage de ce sacrifice entre des clients, la collectivité, des investisseurs, qu’il y a des pistes passionnantes à explorer.

A sa modeste manière, le réseau Initiative France, qui tenait son AG la semaine dernière, y participe, en proposant des prêts (remboursables) mais à 0% et sans garantie, portés par les forces vives d’un territoire. Sa longue expérience, les leçons tirés des réussites et des échecs de cette approche, font sens, beaucoup plus que le financement de la dernière technologie « impactante ».

Bref, je passe à la reproduction libre des propos de Gaspard Koenig, tiré des Echos du 6 juillet 2022. Pour ceux qui ne « liraient pas la suite », je recopie le passage clé ! « Moins de pouvoir d’achat, c’est plus de pouvoir sur soi : pouvoir de transformer et de réparer les objets ; pouvoir de penser hors du flux continu des sollicitations. Cette autolimitation est la condition de toute action écologique. Ce n’est donc pas pour sauver la planète qu’il faudrait réduire sa consommation. C’est en réduisant sa consommation et en redonnant du sens à son travail que l’on intégrera intimement l’exigence de préserver son écosystème. »

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Et si l’on tentait le saut en lenteur ?

Tout a commencé quand ma fille Natacha a démarré son CIFRE dans un incubateur parisien de la start up nation et a entrepris de me déconstruire ce que je pensais être indéconstructible, le « Pitch ». En tant que responsable d’une plate forme de financement de projets innovants, faire un bon Pitch, c’était le graal. Résumer en 15 minutes, 5 minutes ou 30 secondes un projet complexe me semblait être la quintessence de l’acte entrepreneurial. Pas entièrement à tort d’ailleurs. Le « métier » de l’entrepreneur ne consiste-t-il pas à agréger autour de lui une foultitude de prospects, fournisseurs, partenaires, salariés, appuis, financeurs… pour lesquels tout ce qu’il a à vendre c’est une bonne histoire, de nature à créer la confiance et l’enthousiasme. Mais voilà, ce Pitch est devenu une mode, et trop nombreux sont les conseillers, financeurs de l’entrepreneuriat qui n’évaluent plus que l’art oratoire et pas assez les véritables compétences entrepreneuriales. Car s’il y a bien une leçon que j’ai gardée de mon passé dans la start up nation, c’est la valeur du temps. Seuls submergent ceux qui savent durer, s’engager sans relâche, des mois et des années durant, confiants dans leur étoile et dans leur vision. J’ai très rarement observé de « coups », de projets réussis à coup de millions investis au premier jour. L’opiniatreté et la constance dans l’effort sont, heureusement, les 2 valeurs cardinales. Ca n’empêche pas l’esbroufe, le charisme, la chance… mais tout ça sans patience a peu de chance d’aboutir.

Pepitein

En libanais, bonjourein c’est deux fois bonjour. Et du coup pepitein c’est double pépites.

Ce n’est donc pas une, mais deux très jolies surprises découvertes aujourd’hui que je vous livre dans ce post.

La première est arrivée à 18h55 sous la forme d’un lien YouTube et reprend les visions et le parcours d’une certaine Natacha R, ma doctorante préférée. Elle y parle de sa thèse, de territoire, de géographie, de lien entre des parcours et des stratégies de commerçants et les dynamiques territoriales. C’est magnifique, ca valorise les approches les plus « terrains », les plus intimes, ça permet de reconstruire et de comprendre des flux et des politiques « macros », de réfléchir à l’implication des bénéficiaires dans les gouvernances des politiques publiques qui les concernent. Ca achève de me convaincre de la nécessaire mobilisation des sciences sociales ! Ca parle aussi du quotidien d’une thésarde en CIFRE, au sein de Paris&Co, du lien entre la recherche et une association de développement économique. A voir d’urgence sur https://www.youtube.com/watch?v=iIu1cL6CqM8

La deuxième est arrivée dans la foulée, à 19h, sous la forme d’une projection à l’Institut Français de Rabat, du magnifique film de Simone Bitton, Ziyara. le magazine Tel Quel en parle beaucoup mieux que je ne pourrais le faire (https://telquel.ma/2022/03/04/documentaire-ziyara-simone-bitton-a-la-recherche-dune-memoire-perdue_1758180), mais en 2 mots le pari c’est de faire parler exclusivement des marocains musulmans, en particulier des gardiens de cimetière juif (de la mémoire juive), mais aussi d’anciens prisonniers politiques ou des chercheurs, des jeunes et des commerçants, sur leur relation aux « juifs » et sur la part de judéité du Maroc et de ses habitants. Dans un moment saturé par la lecture politique et conflictuelle de cette relation, ce film est un petit bijou sur la fraternité et le vivre ensemble.

Le sens de la FEST

Il y a une bonne vingtaine d’années, j’officiais dans une improbable association, Synergies Créateurs. Notre boulot, c’était de repérer toutes les expériences, les pratiques d’associations, de réseaux, de gens… qui s’intéressaient à l’accompagnement entrepreneurial, de les réunir autour d’une table, avec de la bonne bouffe et un bon modérateur et d’assurer un secrétariat rigoureux des échanges pour garantir la qualité de la prise de parole et un cadre bienveillant. On avait deux principes : « l’essentiel, c’est dans les cuisines » qu’on avait repris à l’improbable Fondation pour le Progrès de l’Homme et la participation des gens en tant que personnes, porteuses d’une pratique plutôt que de représentants de leur institution.

C’était assez pionniers à l’époque. Laborieux, « rugueux ». On faisait plus ou moins du design thinking, du scrum, de l’agilité mais on avait pas les mots pour ça !

Ca a fondé je me rends compte tout ce que j’entreprends aujourd’hui, que ce soit en tant qu’entrepreneur ou qu’expert/consultant. Surtout, ça m’a fait rencontré un tas de marginaux sécants, une catégorie que représente à merveille une certaine Françoise B, cadre du ministère de l’emploi en France, « maman » des couveuses d’entreprises, qui savait prendre le temps de soutenir, d’écouter, de participer aux échanges de zozos praticiens à la recherche d’innovations sociales pour donner aux entrepreneurs un droit au test.

Bref, cette longue introduction pour dire que j’ai eu la riche idée de proposer il y a 2 mois un café à Françoise B., pensant qu’il serait intéressant de trouver des échos entre ma mission actuelle au Maroc auprès du ministère du travail et les politiques publiques de l’emploi françaises. Ce petit café m’a permis de rentrer en contact avec une équipe extraordinaire du ministère et une chercheuse de l’IRES qui a eu ce talent de mettre des mots, de structurer une pensée autour du métier de l’accompagnement et, surtout, de son lien avec les territoires. Je vous recommande la lecture des articles de Solveig Grimault dans la revue Education Permanente sur « les conditions d’un territoire apprenant » (et peux vous le faire suivre si comme moi vous n’arrivez pas à le télécharger sur le site).

Tuche pas à mon pote

Il y a deux types de films qui m’émeuvent, voir me mettent la larme à l’oeil. Ceux qui parlent des rapports entre un père et ses filles et ceux qui parlent de petite entreprise !

Contre toute attente, Tuche 4 est un très bon film sur ce second sujet. Comme ce n’est pas non plus un film à suspense je prends le risque de dévoiler ici quelques éléments de l’intrigue qui à mes yeux donnent toute sa valeur à cette démonstration de ce qu’est le « petit entrepreneuriat » ! Une sorte de relecture barthesienne des Tuche. Une exclusivité gaz de shit.

Certes, ce film fait preuve d’une bonne dose de caricature. La plus choquante a priori étant celle des classes populaires « chômeurs professionnels », vivant d’aides sociales alors que d’autres, vaillant travailleurs ont su traverser la rue pour trouver du boulot à la force du poignet. Outre que je reconnaisse une certaine tendresse pour ces modes de vie fondés sur l’oisiveté et la non intervention (la scène de la pêche sans ligne est culte !), il faut rendre à César ce qui appartient à César et se réjouir de ce qu’en France Pôle Emploi soit devenu le principal investisseur dans l’entrepreneuriat. Loin devant les fonds, associations et autres anges du business. Se réjouir aussi qu’il soit possible de disposer du confort de ne pas risquer de mourrir de faim pour avoir l’esprit libre de prendre du risque. Alors oui, les chasseurs de prime, les profiteurs du système existent, je les ai rencontré ! Mais il n’en reste pas moins que ces filets sociaux, ces logiques de sécurisation des parcours ne sont pas des réducteurs de l’appétence entrepreneuriale, au contraire.

Deuxième approche très intéressante et effectuatio-compatible, la création du cadeau de Noel vient de l’un des fils Tuche, un peu « benêt », a priori bon à rien. Mais qui « colle » au marché et trouve le bon différenciateur produit, pour la plus grande joie de papa et maman Tuche. La création de l’entreprise combine la mobilisation des actifs disponibles de Papa Tuche (ses potes) et la visée d’un grand rêve mobilisateur. En contrepoint, l’entreprise Megazone représente une autre modalité entrepreneuriale, descendante et engluée dans des délires hors sol créés par de méchants cadres formés à HEC et soutenus par des directeurs provinciaux en quête de promotion et reniant leur territoire et leur famille. C’est pour le coup bien sur très caricatural mais ça a au moins le mérite de présenter deux modes d’action entrepreneuriale. Je n’aime pas trop, dans ce film comme en général, cette division du monde entre les gentils et les méchants mais bon, je retiens surtout l’importance de ne pas briser les rêves et de faire confiance au talent de tous pour imaginer et mettre en oeuvre.

Le dernier point est plus obscur pour moi. Les Tuche offrent ce qu’ils produisent, ne salarient pas (ce qui leur évite d’ailleurs les foudres de l’inspection du travail) et leur modèle économique repose sur une logique de RSE financée par les surplus réalisés sur un projet solaire. Outre que ça n’est pas très crédible au vu des tarifs de rachat, j’aurais nettement préféré que le modèle de la Tuche Factory soit intrinsèquement équilibré, qu’un développement sur la gouvernance soit conduit et que la question du scale (ou pas !) soit abordée. Mais ça aurait peut être nuit à la magie du cinéma et de Noel que ce très joli film provoque !

Janco super star ou « attention au mur »

Ca n’a plus rien de très original de se pâmer devant les vidéos de super janco mais alors celle-ci (lien) est vraiment exceptionnelle. 

Exceptionnelle parce qu’elle traite d’économie. Et que, comme le dit très bien Picketty, l’économie est une affaire trop sérieuse pour la confier aux seules économistes. J’ai déjà à de maintes reprises signalé sur ce blog l’importance des sociologues et des designer. Jancovici, lui, est physicien, et c’est le « mur » de la physique qu’il décrit très clairement sur l’autoroute de la croissance économique ! 

René Passet le disait aussi il y a 30 ans dans l’Economique et le Vivant. Les outils mêmes de la science économique sont impuissants à décrire l’univers social et l’univers environnemental dans lequel se déroulent les activités économiques.

L’équation que propose Jancovici est extrêmement simple et malheureusement très convaincante. Sur une durée longue, la croissance de l’économie se traduit mécaniquement par une augmentation de l’énergie consommée, à cause tout bêtement du parc de machines installées. Et plus d’énergie consommée ça veut dire plus de CO2 émis. Croissance = Energie = CO2. C’est super basique et ça a d’énormes conséquences.

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Concevoir un bon service pour les nuls (et in English)

Je sors de quelques heures assez pénibles avec le service téléphonique de l’ANTS pour l’immatriculation d’un véhicule. Je suis technophile, ce n’est pas une démarche critique, je reconnais la valeur de ce service dématérialisé par rapport au bon vieux temps des queues dans les préfectures, mais la complexité à joindre un humain, à expliciter le problème, l’absence de réponse et de marche à suivre sont un bon rappel à l’ordre pour le consultant que je suis. 

Dans la mission qui est la mienne en ce moment, l’enjeu est d’apporter une assistance technique au ministère de l’emploi marocain pour construire des parcours d’insertion économique par l’entrepreneuriat. Les idées fusent, le contexte est passionnant mais je n’ai qu’une trouille, paver l’enfer de mes bonnes intentions ! 

C’est dans ce contexte que j’ai lu avec un énorme intérêt le très fameux « Good services » de la non moins fameuse Lou Downe. Son propos est simple : « how to design services that work ». Les principes qu’elle présentent sont bêtes comme choux mais sans dénoncer personne, beaucoup de concepteurs de services feraient moins leur malin s’ils revisitaient leur « design » au prisme de ces considérations.

Petites notes de lecture, à mon usage en premier lieu et à mes collègues consultants de tout poil pour éviter quelques écueils. 

Je commence par quelques points généraux qui m’ont bien plu et les plus passionnés pourront lire la suite ou le bouquin !

  • Au-delà de son apport technique, ce livre explicite ce que je trouve « beau » dans l’entrepreneuriat. La posture indispensable pour survivre et grandir qui consiste à se demander de quoi les gens ont besoin pour leur apporter une solution adaptée.
  • Dans la droite ligne des méthodes de l’effectuation, les principes décrits ici partent de l’idée que la réussite d’un projet entrepreneurial n’est pas le fruit d’une incroyable idée mais de l’application de principes clairs, d’une approche besogneuse et systématique reposant sur des tests réguliers et organisés avec ses clients et partenaires.
  • Bien entendu, l’attention extrême portée au contexte, aux bénéficiaires/clients/usagers, me parlent ! C’est de là que vient mon intérêt (mon amour ?) pour les sociologues et les designers. 
  • L’idée que le service est là pour aider un usager à atteindre un objectif. Et que ça ne peut se faire qu’en étant ouvert sur tous les acteurs/offres qui entourent le service lui-même. De manière plus large, je porte avec Initiative France l’idée que l’entrepreneuriat vit par et pour les territoires. Des chercheurs en parlent beaucoup mieux que moi, j’en rendrai compte prochainement !
  • Je partage l’idée que ce qui passe « dedans » (la gouvernance, l’organisation de l’équipe…) se voit directement « dehors ». C’est pour ça que je préférerais toujours Biocoop à Carrefour Bio !
  • L’approche de l’inclusivité est « native » (quand on fait des muffins, il est plus simple de mettre les myrtilles au début !). Ce n’est pas un « gadget » ou une utilisation de revenus générés par d’autres activités destructrices (je caricature !). 2eme bon point pour Biocoop (chez qui je n’ai pas d’actions je tiens à le préciser).

Un bon service, donc c’est :

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