Signaux faibles. Y aurait il du gas dans l’eau ?

Le repérage des signaux faibles est un sport pratiqué par tous les stratèges du monde. Il est peut être trop tard pour les stratèges du biogas, maintenant que la presse généraliste se met à commenter de plus en plus régulièrement les atouts et les enjeux de cette technologie séduisante.

Non pas que ça rende ladite technologie plus rentable pour autant, mais au moins ça provoque des vocations, ça éduque les décideurs et ça amène tout un chacun à réfléchir aux limites et au potentiel du biogas dans le monde !

Dernier papier en date, celui de l’Express, http://www.lexpress.fr/emploi/business-et-sens/le-biogaz-bouscule-le-modele-de-grdf_1645216.html, qui n’hésite pas à comparer la méthanisation à un « tour de magie » ! Un tour de magie assez ancien tout de même, puisqu’il est question ici de la méthanisation des boues de station d’épuration de Strasbourg par Suez (1,6M de m3 de gas produit qui alimenteront 5 000 logements basse consommation ou 1 500 véhicules propres). Suez propose une petite vidéo pédagogique sur ce procédé sur son site.

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Biovalsan, pose de la première pierre, sur le site de Strasbourgphoto.com

Toujours difficile de savoir comment ces chiffres « magiques » sont calculés, mais toujours est il que l’application sur boues de STEP est l’une des plus matures dans la méthanisation en France. On estime à une soixantaine les stations équipées (sur 19 000 stations en France), la plupart de plus de 50 000 équivalent habitants (54 sur les 62). Chaque année, on estime que ce sont 350 000 tonnes de boues qui sont traitées. Les prévisions de notre vénéré ministère ne prévoient qu’une très faible croissance de cette application, et estime qu’au mieux 80 unités seraient équipées en 2020. Une croissance bien moindre que les projets à la ferme ou les projects collectifs.

Pour revenir au très bon papier de l’Express, j’aime beaucoup l’approche. L’idée c’est qu’en 2020, le biogas pourrait représenter 5% du gas dans les réseaux (une estimation de GrDF, c’est pas moi qui le dit !), et jusqu’à 50% en 2050 (ça c’est l’ADEME). Et depuis juin 2014, le biogas issu des boues de STEP a « droit d’entrée » sur les réseaux de gas. Ca ne représente pas qu’une évolution technique. Aucun doute, Suez ou Veolia sont capables de maîtriser la construction et l’opération d’un digesteur ! Mais plutôt un enjeu de métier et de « coeur de compétence stratégique ». Car la méthanisation, c’est avant tout un travail sur la « recette » en entrée, et donc la sécurisation des flux de déchet, la discussion et la mise autour de la table des agriculteurs, industriels et autres producteurs de déchets. C’est aussi un enjeu d’évacuation des digestats, et donc là aussi de discussion avec les agriculteurs. C’est ce qui fait la beauté (et la complexité !) d’un projet de méthaniseur.

L’article conclut avec un risque évident, celui de créer des substrats pour le simple plaisir (enfin plutôt pour le complexe intérêt économique lié aux tarifs de rachat) de générer du gas. Il illustre ce risque par la ferme des 1000 vaches. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire là dessus. Quand je vois la taille des fermes en Inde ou au Moyen Orient, je ne dis pas que c’est un modèle de société, mais tout de même, je ne suis pas du caractère scandaleux autant qu’on l’a dit sur cette ferme.

Pour en savoir plus sur le projet de Strasbourg, utile de consulter le site du projet – http://biovalsan.eu/biovalsan/les-actualites/100-parution-du-cadre-reglementaire-francais-du-biomethane-issu-de-step-permettant-le-deblocage-du-projet.html

Vers une crise des déchets au Liban ?

On a beau dire, avoir un président et des institutions en mesure de prendre des décisions, ça peut servir. Le Liban le sait bien, qui vit depuis 7 mois sans chef de l’Etat, faute de consensus.

Vu de ma fenêtre, l’une des conséquences de cette difficulté à décider est la situation dans la principale décharge du pays, à Naame (120 000m2 aujourd’hui entièrement remplis par 10M de tonnes enfouies pour 2 300 tonnes reçues chaque jour).  Sukleen, l’opérateur « monopolistique » de cette partie du Liban, a longtemps été accusé de toucher beaucoup  pour faire peu, en particulier ne pas trier, ne pas dégazer, ne pas composter… (c’est une critique assez commune dans cet univers, qui est assez juste quand on compare les USD135 la tonne touchés par Sukleen au reste du Liban, voire de la zone, mais qui reste en dessous des niveaux européens. La Fédération des Villes Moyennes estime par exemple les coûts de collecte moyen à environ USD110 et les coûts de traitement par enfouissement à USD90).

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L’Orient le Jour nous narre aujourd’hui le dernier rebondissement, à savoir un report de l’examen du plan national sur la gestion des déchets, alors que le contrat entre l’Etat et les prestataires de collecte arrive à échéance le 17 janvier (merci Elodie d’avoir pointé l’article !). L’entreprise

Le Daily Star, l’autre « grand quotidien » de langue anglaise celui ci, pointait hier la difficulté principale qui consiste, dans ce petit pays montagneux et déjà couvert d’immeubles, de centrales thermiques et de nuisances variées, à identifier des terrains pour les futures décharges.

Les villes de Barja et Sibline, déjà « polluées » par une usine de traitement du sable et une compagnie électrique, un temps prévus pour accueillir une décharge, ne sont pas très chaud pour l’accepter « in their backyard ».

Dans ce contexte, des plans ont circulé et le ministre de l’environnement, Mohammad Machnouk, est assez optimiste que des solutions d’incinération verront prochainement le jour. A supposer même que la décision soit prise et les capitaux mobilisés, il est difficile de penser qu’elles pourront être installées avant 3 à 4 ans.

Je pense bien sur à nos amis martiens, spécialistes de la méthanisation, qui doivent bien rigoler à voir que personne à ce jour ne considère réellement l’option de s’attaquer à la fois à l’alimentation électrique et à la réduction des déchets organiques dans ce contexte. Plutôt que de batailler avec Israel sur le risque de pomper la nappe de gaz naturel disponible dans les eaux territoriales libanaises, je recommanderai fortement aux responsables du pays de profiter déjà du gaz disponible et à leur portée.